Cinq années " dans les pattes " de Gérard Depardieu (La Nouvelle République)
Mathieu Sapin, comment avez-vous rencontré Gérard Depardieu ?
Par le biais du documentaire auquel j'ai participé, Retour au Caucase. La production recherchait un dessinateur pour accompagner Depardieu sur les traces d'Alexandre Dumas, en Azerbaïdjan, pour un road-trip intensif de dix jours. Plusieurs collègues avaient été sollicités, mais avaient refusé : ça leur faisait peur. Ça m'amusait beaucoup, alors j'ai sauté sur l'occasion.
Un personnage complexeQuelles ont été vos premières impressions ?
Il est très impressionnant. La première fois, je l'ai vu chez lui, dans son antre parisien, un lieu assez fascinant. Je n'en menais pas large. La deuxième fois, je le vois dans son hôtel, à Bakou, en Azerbaïdjan. Comme on avait un peu de temps avant le début du tournage, il me propose d'aller à la piscine. Je ne savais pas trop si j'avais le choix. Il fallait se jeter à l'eau, au sens propre comme au figuré. On s'est retrouvés dans les douches communes. Rétrospectivement, je me dis que c'est une bonne manière pour faire connaissance. Il a une façon de se donner totalement, sans apparat.
Il y a beaucoup d'humour dans vos dessins. Vous êtes-vous vraiment amusé ?
J'ai adoré. J'ai vraiment des souvenirs de grands moments de rire. C'est quelqu'un qui a une espèce d'invention dans le langage, il fait des imitations, il fait le pitre. Tout en faisant en sorte que ce soit lui que l'on regarde. Il est sans cesse observé, regardé, même à l'étranger. Et dans ces cas-là, il a tendance à en rajouter. Tout en faisant le guignol, il repère des choses que les autres ne voient pas. Il est très observateur.
Vous vous êtes ensuite retrouvés régulièrement pour ce reportage au long cours…
Je voulais vraiment passer du temps avec lui, pour bien cerner le personnage. Après l'Azerbaïdjan, je l'ai suivi au Portugal, en Allemagne. A Moscou, aussi. Là-bas, il est accueilli comme un chef d'État.
Avez-vous bien mangé ?
J'ai pris beaucoup de kilos ! Il mange beaucoup, de tout. Au début du reportage, en Azerbaïdjan, on sort d'un restaurant et on entre immédiatement dans un autre. Il commande : « Tout, beaucoup ! » Il a un appétit pour la nourriture, mais aussi pour les rencontres. Il s'intéresse beaucoup aux autres. J'ai découvert un personnage très attachant, mais aussi très fatigant, avec des côtés insupportables. Il est bien plus complexe que l'image que l'on peut avoir de lui.
Évoque-t-il son enfance à Châteauroux ?
Il parle souvent de Châteauroux. Il m'a notamment raconté cette histoire : au moment de la sortie des Valseuses, des gens ont demandé à son père s'il était au courant que son fils passait au cinéma. Il a fini par prendre sa bicyclette pour aller voir le film. Gérard me racontait qu'en sortant, il a dit : « Bah ouais, c'est Gérard, quoi ». Il ne voyait pas la différence entre ce qu'il avait vu à l'écran et son fils qu'il voyait au quotidien. La dernière fois que je l'ai vu, il m'a parlé de Michel Denisot qui vient, comme lui, de ce coin où on est habitué à cacher des choses, me disait-il. Je pense qu'il est malgré tout resté très attaché au Berry.
« Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu », Éditions Dargaud, 19,99 €. Parution le 17 mars.