"Je veux redonner à l'UNESCO la capacité à être entendu à Paris comme à travers le monde" (Huffingtonpost.fr)
Alors que 1,5 milliards de musulmans fêtaient, à travers le monde, avec l'Aïd al-Fitr, la fin du mois sacré du Ramadan, le 25 juin dernier, moment d'intense introspection et de réflexion sur soi et vis-à-vis de son prochain, l'on ne saurait rêver de meilleure occasion pour mettre en exergue les valeurs d'humanisme, de solidarisme, de fraternité et d'universalité de la recherche du bien commun, qui correspondent ou qui, plutôt, qui devrait correspondre à l'image que l'on se fait de cette noble institution qu'est l'UNESCO.
Depuis sa création, le 16 novembre 1945, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, en tant qu'une des 17 agences spécialisées de l'ONU, ne cesse d'œuvrer pour la collaboration entre les nations, leurs peuples et leurs décideurs, afin de faire respecter "universellement" la justice, l'état de droit, les droits de l'homme, les libertés fondamentales. Cela implique autant l'amélioration de la société par l'expression culturelle, l'éducation et la promotion des sciences et techniques, que la mise en exergue du patrimoine matériel comme celui de la richesse immatérielle des Nations, que constituent les traditions des femmes et des hommes qui peuplent notre terre.
C'est, du reste, cette diversité culturelle, linguistique, ethnique, religieuse, qu'il convient de défendre, ardemment, à mesure que les affres de la guerre touchent désormais autant les femmes et les hommes - notamment les plus vulnérables que sont les enfants - que les idées, les normes qui fondent les civilisations et singularisent les sociétés humaines.
C'est cet humanisme universel qu'il convient de défendre et de promouvoir, encore et toujours, et ce, à mesure qu'il est visé par ceux qui, obscurantistes, cherchent à briser la cohésion de nos sociétés et les acquis du vivre ensemble. Ce sont, précisément, du reste, ces acquis que nos ennemis, au premier chef desquels, les organisations terroristes, ouvertement nihilistes dans leur lecture du monde, nient et veulent empêcher de prospérer et in fine annihiler.
Il est donc de notre urgente obligation, en tant que décideurs diplomatiques autant qu'hommes et femmes de bonne volonté, de les défendre et de les promouvoir.
Parfois, le symbole rejoint d'ailleurs la réalité.
La destruction, hier, des Bouddhas géants de Bamyan en Afghanistan, plus récemment des restes de la cité antique de Palmyre, en Syrie et bien sûr, du calvaire inhumain des populations qui y vivaient et, avant cela, des manuscrits et mausolées soufis de Tombouctou, démontrent que le combat pour la défense du patrimoine de l'humanité est une œuvre de passion et de raison, qui ne saurait souffrir de compromissions politiques.
Je demeure ainsi particulièrement convaincu, que l'instrumentalisation politique de l'UNESCO, au-delà des réalités tragiques qu'elle entend exprimer, obère, en réalité, son efficacité. En témoigne, l'affaiblissement de l'institution, à l'aune du départ regretté en 2011, des Etats-Unis, qui, avec 22% du budget de l'organisation onusienne contribuaient largement au budget de l'UNESCO. Il conviendrait ainsi de réfléchir, désormais posément, aux conséquences de cette réalité qui s'est imposée à une institution, dont le "modeste" budget ne lui permet plus de mener à bien son dessein humaniste universel.
Comment également ne pas regretter que la Communauté internationale qui a dépensé, en 2016, 7,87 milliards de dollars pour les opérations de maintien de la paix onusienne, alors que l'UNESCO, dont le mandat est de bâtir la paix et dont la capacité de prévenir les guerres et les conflits est réelle, à travers la promotion de l'éducation, de la culture, des sciences et de la communication, ne reçoit que 10% de cette somme?
Face à cette incohérence, il est urgent d'en appeler aux Etats membres autant qu'aux acteurs économiques privés et ce, afin d'investir davantage au sein de l'UNESCO. Cet investissement, qui est intellectuel autant que financier, apportera, sans conteste, des résultats tangibles sous forme d'une paix et d'un développement durables.
C'est à l'occasion d'un récent Iftar, dîner de rupture du jeûne, que j'ai pu rappeler devant les responsables et acteurs des principales religions monothéistes, corps constitués et sensibilités philosophiques réunies, à Paris, les valeurs cardinales à promouvoir et à défendre, afin de faire concrètement de l'UNESCO, au-delà de ses 72 années d'existence, le lieu où se construit durablement la paix, à la fois dans l'esprit mais aussi dans l'action des hommes et des femmes.
Le Pape a coutume depuis des siècles, durant la célébration de la messe pascale, d'adresser au peuple de Rome, réuni Place Saint-Pierre, une bénédiction urbi (pour la ville) et orbi (pour le monde). C'est dans ce même état d'esprit que l'UNESCO, dont le siège à est Paris, écrin au cœur d'une capitale, cardinale des Relations internationales, doit savoir, de nouveau parler au monde.
Les urgences liées aux changements climatiques, l'impact du terrorisme sur les populations civiles et leurs cadres de vie, les conséquences de la guerre, dont les destructions sont autant matérielles qu'immatérielles, sont autant de priorités que l'UNESCO devrait traiter en urgence et concertation avec le secteur privé, dont les moyens financiers et les gigantesques capacités intellectuelles doivent s'engager dans ce sens.
Néanmoins, la portée et l'efficacité de cette juste ambition ne saurait être effective, sans retrouver, dans le même temps, l'élan et le souffle, qui devraient faire de l'organisation onusienne parisienne, une "matrice" incontournable du débat d'idée parisien, car, siège d'une intense et riche culture diplomatique, en tant que siège de deux autres organisations intergouvernementales que sont l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE, composé de 35 pays membres) et l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, composé de 84 membres ou observateurs).
L'Unesco, sise à Paris, où la culture du dialogue, du partage et de l'échange est érigée en règle, depuis trois siècles de débats républicains, devrait, également, reprendre le chemin des intenses débats intellectuels avec les nombreux think tanks, fondations, centres de recherche académiques, ONG, associations, universitaires, et société civile active et déterminée, en attente et, bien souvent, en quête de tels échanges.
Bref, quand on parle de Paris, l'on parle au monde. L'institution de la Place de Fontenoy, forte des 195 états, reconnus par l'ONU qui y sont représentés, devrait en être sa caisse de résonance, son porte-voix, même! C'est là, toute mon ambition, afin de redonner à l'UNESCO, cette capacité d'être entendu urbi et orbi, car les sujets sont nombreux, où les voix des ambassadeurs de bonne volonté, comme ceux des délégations nationales représentées au sein de l'institution onusienne devraient être davantage prises en compte, comme autant de témoignages concrets de cette vivacité intellectuelle qui ne manque qu'à être mieux connue et davantage médiatisée.
C'est cette importante ambition que j'entends incarner à l'occasion de la 202ème session du Conseil exécutif, qui se réunira, en octobre prochain et qui verra, en novembre prochain, à l'occasion de la 39ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, l'institution onusienne, se donner son 11ème Directeur général.