2020-10-06

L’Azerbaïdjan proteste contre la « partialité » de la France au Haut-Karabakh

Les faits 

Lors d’une conférence de presse à l’ambiance électrique, l’ambassadeur d’Azerbaïdjan à Paris s’est insurgé contre les déclarations d’Emmanuel Macron au sommet de Bruxelles et la tribune signée dimanche 4 octobre par 176 élus en faveur de l’Arménie.

« La France ne peut pas jouer le rôle de médiateur entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, parce qu’elle n’est pas neutre ». Lors d’une conférence de presse organisée mardi 6 octobre, l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, Rahman Mustafayev, n’a pas caché ses griefs contre Paris dans le conflit armé qui oppose son pays à l’Arménie dans la région du Haut-Karabakh.

Sur une carte projetée devant lui, le représentant de l’Azerbaïdjan a désigné aux journalistes à l’aide d’une fine baguette de bois les victoires « stratégiques » remportées par son pays sur le terrain. Mais il s’est surtout employé à dénoncer ce qu’il considère comme des errements de la diplomatie française.

La responsabilité de la France

De fait, l’actualité brûlante au Caucase du Sud, où les combats font rage depuis dix jours, a été abordée les 1er et 2 octobre par les Vingt-Sept lors du sommet de l’Union européenne à Bruxelles. Pendant les échanges, Emmanuel Macron a indiqué à ses homologues avoir été informé de la présence côté azerbaïdjanais de « 300 combattants (qui) ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep (Turquie) ». « En tant que coprésident du Groupe de Minsk » chargé d’une médiation dans ce conflit, il n’a pas hésité à interpeller Ankara : « Je considère que c’est la responsabilité de la France de demander des explications ».

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Dans la foulée, l’Élysée a indiqué dans un communiqué qu’Emmanuel Macron s’était entretenu avec le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, ainsi qu’avec le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, pour leur proposer « de reprendre les négociations ».

Mais pour l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, ses déclarations invalident sa candidature au poste de médiateur. « Nous attendons de la France qu’elle respecte le droit international », a-t-il lancé aux journalistes présents. « Vous avez vos sentiments, vos émotions, nous sentons que la cause arménienne est dans votre cœur ; nous aussi avons les nôtres. Mais n’oubliez pas le droit international ! »

Les séparatistes ne sont pas seulement les djihadistes

La tribune signée ce week-end par 176 élus de droite et de gauche demandant à la France de réexaminer « sa stratégie dans le conflit », et parue dans le Journal du Dimanche, l’a elle aussi ulcéré. « Ce n’est pas correct. Si la France veut rester notre partenaire, elle doit rester neutre. On parle beaucoup en France de séparatisme, mais les séparatistes ne sont pas seulement les djihadistes. Ce sont aussi ces élus qui vont à l’encontre des relations entre la France et l’Azerbaïdjan », a-t-il tempêté, assurant qu’aucun des signataires n’avait demandé à le rencontrer.

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« Si vous voulez être impartial, parlez au minimum avec moi et laissez-moi la possibilité de répondre », a-t-il poursuivi, s’emportant aussi - sans la citer - contre la décision de la maire de Bourg-lès-Valence (Drôme) d’élever le drapeau arménien devant l’hôtel de ville.

L’ambiance électrique de cette conférence de presse traduit bien le désarroi de Bakou face à la position française. « La Turquie, le Pakistan, mais aussi la Hongrie, la Lettonie et bien d’autres s’expriment en faveur de l’Azerbaïdjan, parce qu’ils ont compris que nous agissons sur la base du droit international », a assuré l’ambassadeur, esquissant à plusieurs reprises une comparaison avec la Seconde Guerre mondiale pour tenter de faire comprendre aux journalistes français présents la justesse de sa cause.

« Un soi-disant génocide »

« L’Azerbaïdjan aujourd’hui, c’est la France en 1944, celle qui a chassé les nazis avec De Gaulle, à la différence près que votre souffrance a duré trois ans alors que la nôtre dure depuis trente-trois ans », a-t-il lancé. « Lorsque la soi-disant République d’Artsakh a déclaré sa soi-disant indépendance au nom du droit à l’autodétermination des peuples, tout le monde a applaudi considérant que l’Arménie est un pauvre peuple, victime d’un soi-disant génocide. Mais non, l’autodétermination ne peut pas aller à l’encontre de la souveraineté d’un pays ».

Haut Karabakh : des mercenaires syriens dans la bataille

Quant à la présence de « djihadistes syriens » aux côtés de l’armée azerbaïdjanaise, Rahman Mustafayev a tour à tour affirmé que son « pays rejette cette présence » dont il n’a « pas besoin », et appelé à « ouvrir les yeux sur la présence de combattants étrangers du côté arménien aussi ».

La Turquie, assure-t-il, se contente d’un « soutien moral important » et « ses démarches ne dépassent pas les limites du droit international ». « Elle nous dit : «vous n’êtes pas seuls», comme De Gaulle en 1940, dans son discours du 18 juin lorsqu’il a dit aux Français : «Vous n’êtes pas seuls. La Grande-Bretagne est avec vous» ».

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