« Les relations avec le Saint-Siège occupent une place particulière dans la politique étrangère de notre pays » (Interview de S.E. Rahman Mustafayev, Ambassadeur d’Azerbaïdjan auprès du Saint-Siège)
Entretien avec S.E. Rahman Mustafayev, Ambassadeur de la République d'Azerbaïdjan auprés du Saint-Siège
Monsieur l'Ambassadeur, vous vous êtes récemment rendu au Vatican et vous avez rencontré des responsables du Saint-Siège. Comment évaluez-vous les résultats de cette visite ?
Tout d'abord, je voudrais noter que les relations avec le Vatican occupent une place particulière dans les priorités de la politique étrangère de notre pays. Le Saint-Siège (Vatican) est un sujet de droit international unique en son genre. C'est le plus petit État du monde, et en même temps le centre de l'Église catholique, qui regroupe 16% de la population mondiale, près de 1,3 milliard de croyants. La juridiction du Saint-Siège va bien au-delà de la cité-état du Vatican, qui n'est que le siège du gouvernement central du Saint-Siège. Par conséquent, dans un sens, les relations avec le Vatican sont des relations avec le monde catholique tout entier. Pour cette raison, le développement du dialogue et de la coopération avec cet État revêt pour nous, je dirais, une importance particulière, non seulement bilatérale mais aussi internationale.
Quant à ma récente visite, son principal objectif était d'informer les responsables du Saint-Siège sur la situation dans la région après la seconde guerre du Karabakh, et sur les efforts du gouvernement de l’Azerbaïdjan pour mettre en œuvre les déclarations du 10 novembre 2020 et du 11 janvier 2021. J'ai donné des informations détaillées sur les destructions et dommages causés par les forces armées arméniennes aux monuments du patrimoine culturel et religieux de l'Azerbaïdjan dans les territoires occupés au cours de la période 1992-2020. Dans ce contexte, nous avons discuté des questions liées au rôle possible du Vatican dans la protection du patrimoine culturel de l'Azerbaïdjan conformément à la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.
Au cours de mes rencontres, les sujets de la coopération bilatérale et de la mise en œuvre des projets pour la préservation des monuments du patrimoine culturel et religieux du Vatican, qui sont financés par la Fondation Heydar Aliyev, ont également été examinées en détail. J'aimerais souligner à cet égard que, malgré les contraintes liées à l'épidémie et la crise sanitaire, ces projets ont été mis en œuvre avec succès et sont sur le point d'être achevés.
Quelle est la position du Vatican sur le règlement du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ?
Le Vatican adopte traditionnellement une position très équilibrée sur cette question, il souligne la nécessité d'un dialogue et d'une solution équitable au conflit sur la base du droit international. Lors de son discours annuel du Nouvel An aux membres du corps diplomatique accrédités auprès du Saint-Siège, le 9 janvier 2020, le Pontife a abordé la question de la résolution des conflits dans notre région. Il a en particulier souligné «l’importance de soutenir le dialogue et le respect du droit international pour résoudre les « conflits gelés » qui persistent sur le continent – pour certains, depuis des décennies – et qui exigent une solution, à commencer par les situations relatives aux Balkans occidentaux et au Caucase méridional».
À l'issue de la prière de l'Angélus, le 27 septembre 2020, le Pape François a tenu à lancer un appel à la paix, en disant : «Je prie pour la paix dans le Caucase et j'appelle les parties au conflit à faire des gestes concrets de bonne volonté et de fraternité qui peuvent conduire à la résolution des problèmes non pas par l'utilisation de la force et des armes, mais par le dialogue et la négociation».
Dans son Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix le Pape François a souligné encore une fois l’importance du respect des principes du droit international et humanitaire, notant que "les relations entre les nations devraient être inspirées par la fraternité, le respect réciproque, la solidarité et l'observance du droit international". La thèse du Pape François selon laquelle "le respect du droit humanitaire doit être aussi rappelé, surtout en ce moment où les conflits et les guerres se succèdent sans interruption" est également importante.
Tout cela témoigne de la préoccupation du Pape à instaurer une atmosphère de paix et de sécurité, de dialogue et de coopération dans notre région. Ce sont les principes fondamentaux de la diplomatie vaticane et de la politique du Pape François, pour qui nous avons un grand respect et dont nous soutenons les appels.
Quels sont les principaux domaines de coopération bilatérale que vous pourriez souligner ?
Des relations de coopération fortes ont été établies avec le Saint-Siège dans de nombreux domaines, notamment dans les domaines du dialogue politique, de la préservation de la culture et du patrimoine culturel, de la science et de l'éducation. Bien entendu, le dialogue politique entre les chefs de nos États revêt une importance particulière dans notre coopération. Dans ce contexte, je tiens à souligner les visites des Présidents Heydar Aliyev en septembre 1997 et Ilham Aliyev en février 2005, en mars 2015 et en février 2020 au Vatican, ainsi que les visites des Papes Jean-Paul II en mai 2002 et François en octobre 2016 en Azerbaïdjan, qui ont apporté une importante contribution au développement des relations entre les deux pays.
Le Vatican a déclaré plusieurs fois qu’il appréciait hautement la tolérance religieuse et ethnique en Azerbaïdjan. En particulier, le Pape Jean-Paul II lors de sa visite à Bakou en mai 2002 a déclaré : "Je suis venu dans ce pays très ancien, gardant dans mon cœur l’admiration devant la richesse et la variété de ses cultures. Riche en diversité et en caractéristiques caucasiennes, ce pays a absorbé les trésors de nombreuses cultures, notamment persane et Altaï-touranienne. Sur cette terre il y avait et à ce jour il y a des grandes religions: le zoroastrisme a coexisté avec le christianisme de l'église Albanaise, qui a joué un rôle si important dans l'antiquité. Par la suite, l'islam a joué un rôle de plus en plus croissant et aujourd'hui, il est la religion de l'écrasante majorité du peuple azerbaïdjanais. Depuis des temps immémoriaux, le judaïsme, qui jouit encore d’une grande appréciation, a apporté sa contribution unique. Même après l'affaiblissement de l'éclat initial de l'église, les chrétiens ont continué à vivre côte à côte avec les croyants d'autres religions. Cela a été rendu possible grâce à un esprit de tolérance et de compréhension mutuelle dont сe pays ne peut être que fier".
Lors de la visite apostolique du Pape François à Bakou le 2 octobre 2016, la haute appréciation du Saint-Siège sur la politique de tolérance et de bienveillance religieuse menée par notre pays, le respect de toutes les religions et de leurs adhérents œuvrant en Azerbaïdjan a été confirmée. A ce propos, je voudrais rappeler les merveilleuses paroles du Pontife : "Je souhaite vivement que l'Azerbaïdjan continue sur la route de la collaboration entre les diverses cultures et confessions religieuses. Que toujours plus l'harmonie et la coexistence pacifique nourrissent la vie sociale et civile du pays, dans ses multiples expressions, assurant à tous la possibilité d'apporter sa propre contribution au bien commun". J'espère, remarque le Pape François, "que grâce à Dieu et grâce à la bonne volonté des parties, le Caucase pourra être le lieu où, par le dialogue et la négociation, les différends trouveront leur règlement et leur dépassement, en sorte que cette région soit une «Porte entre l'Orient et l'Occident », selon la belle image utilisée par Saint Jean-Paul II".
L`entretien entre le Président de la République d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev et le Pape François, lors de la visite apostolique du Saint-Pere en Azerbaïdjan, le 2 octobre 2016.
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