2021-02-24

L’ARCHITECTURE CHRÉTIENNE DU KARABAKH ET LA VRAIE MENACE POUR SES MONUMENTS

La première église chrétienne a été construite en Azerbaïdjan ancien

L’Albanie du Caucase (IVe siècle avant J.-C. – VIIIe siècle après J.-C.) et les principautés albaniennes (IXe-XIVe siècles),  États ayant existé sur le territoire de l’Azerbaïdjan ancien, ont vu naître les premières églises chrétiennes de l’Histoire. L’architecture cultuelle chrétienne est ainsi l’une des sources majeures de l’architecture religieuse azerbaïdjanaise.

La première étape de son développement est la période apostolique du christianisme en Albanie du Caucase. L’historien albanien du VIIe siècle, Moïse de Kalankatuk, notait,  à propos de cette période : « À Jérusalem, Élisée fut ordonné par Saint Jacques, frère de Jésus, qui fut le premier patriarche de Jérusalem. Élisée reçut l’Orient en apanage… Il arriva à Guis (actuellement le village de Kish au nord de l’Azerbaïdjan – ndt), fonda une église et offrit un sacrifice non sanglant. Ce lieu est la source primaire de nos églises, la source des anciennes capitales et le début d’un lieu de rayonnement ». Ainsi, la première église chrétienne a été construite en Azerbaïdjan ancien – en Albanie du Caucase, au Ière siècle de notre ère.

Après l’adoption du christianisme en tant que religion officielle de l’Albanie du Caucase en 313, la construction d’édifices religieux va prendre de l’ampleur. C’est le début de la deuxième étape du développement de l’architecture chrétienne qui s’étendra du IVe auVIIe siècle.

Le christianisme est ainsi devenu un facteur important dans l’unification de l’État albanien multi-tribal. Les sites des anciens cultes servent de fondations à la construction de basiliques et d’églises. Les temples à dôme sont caractéristiques de l’architecture religieusepropre à l’Albanie du Caucase. Ils sont les marqueurs de l’évolution de l’architecture, depuis l’ancien temple païen jusqu’à l’église chrétienne, depuis la voûte circulaire à huit colonnes au tétraconque. La simplicité et la primitivité des formes des édifices religieux sont les maîtres mots de cette période.

Cependant, bien que le christianisme ait été adopté en Albanie du Caucase comme religion d’État, il était en interaction avec d’autres systèmes religieux et de cultes. Le scientifique soviétique, spécialiste de l’histoire de cette région, K. Trever notait à cet égard:    « Le christianisme, implanté depuis le IVe siècle et adopté avant tout par la cour et la noblesse, le zoroastrisme, introduit par les Sassanides, diverses sectes d’obédience chrétienne et zoroastrienne, et à partir du VIIe siècle l’islam conquérant – toutes ces religions et cultes ont pris racine dans le sol  de l’Albanie du Caucase. » (K. Trever, Essais sur l’histoire et la culture de l’Albanie du Caucase. IVe siècle avant J.-C.- VIIe siècle après J.-C., 1959).

Cette diversité religieuse a influencé la formation du style architectural unique des temples d’Albanie du Caucase. Par exemple, des architectes albaniens, créant des temples chrétiens, ont emprunté les plans de construction du temple zoroastrien du feu, inspiré de l’habitation populaire avec les quatre piliers et un plafond de bois en forme de dôme posé sur le carré central.

Mais ce n’était pas seulement une période d’interaction. Le clergé albanien a dû mener une lutte sans relâche avec les sectes païennes locales, le zoroastrisme de l’empire sassanide, ainsi que la politique d’assimilation de l’Église arménienne, qui cherchait à soumettre l’Église albanienne. Cette lutte idéologique ne pouvait rester sans répercussions sur l’apparence des édifices religieux. L’ascétisme et la simplicité de la décoration (aménagement intérieur), qui étaient propres à l’architecture religieuse d’autres pays de la région au début de la période chrétienne primitive, ont été préservés en Albanie du Caucase pendant toute la période des IVe-VIIIe siècles.

Au milieu du VIIe siècle, l’Albanie du Caucase a été conquise par le califat arabe. Pendant cette période de domination arabe, qui a duré jusqu’à la fin du IXe siècle, la construction d’églises chrétiennes a fortement diminué. Après la conquête arabe, l’apparence sobre et concise des églises albaniennes a été préservée.

La renaissance de l’architecture chrétienne en Azerbaïdjan

Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que commence la renaissance de l’architecture chrétienne en Azerbaïdjan. C’est au cours de cette période que la principauté de Khatchen de l’Albanie caucasienne monte en puissance, dont le dirigeant Khasan Jalal (1215-1261) a étendu son influence sur la plupart des terres chrétiennes de l’ancienne Albanie du Caucase, y compris les provinces de l’Artsakh (l’actuel Karabagh) et Syunik (l’actuel Zanguezour). C’est une période de renouveau économique, politique et culturel du Karabagh ancien.

On doit à la période comprise entre XIIe-XIVe siècles le plus grand nombre d’édifices religieux – monastères, églises, basiliques, temples – qui témoignent du haut niveau de l’architecture chrétienne dans cette région. De nouvelles églises sont construites, les anciennes sont rebâties, de nouveaux modèles architecturaux apparaissent, la composition des édifices devient plus complexe, de nouvelles versions du système des dômes se développent, un riche décor de pierre voit le jour. Les complexes monastiques de Khudavang (1214, situé dans l’actuel district de Kelbadjar en Azerbaïdjan), Gandjasar (1216-1238, district de Terter en Azerbaïdjan), Khatiravang (1204, district de Kelbadjar) et d’autres, deviennent des centres de construction religieuse. C’est ici que se concentrent les archives religieuses et les bibliothèques de la littérature albanienne, que s’expriment de nouvelles directions de la pensée architecturale, que s’appliquent les techniques de construction qu’elle élabore. C’est la période de la renaissance de l’architecture et de la littérature religieuses albaniennes, qui a duré jusqu’au XVIIe siècle.

Le symbole de cette renaissance est le monastère de Gandjasar avec l’église de Saint Jean-Baptiste, construit en 1216-1238. Pendant six siècles, jusqu’en 1836, il fut le centre spirituel de la principauté albanienne indépendante, la résidence des derniers catholicos albaniens. Il se distingue parmi les autres temples albaniens par la pureté des formes, la richesse des éléments décoratifs, l’architecture à pans multiples, la sculpture sur pierre ingénieuse, la haute qualité des travaux de construction. Sur le plan architectural et de construction, il reprend les formes de l’église du monastère de Khudavang.

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