Nouvel accord Saint-Siège/Azerbaïdjan : le Vatican, un partenaire historique de Bakou
Pour la première fois, elles seront bientôt accessibles à un large public. Cet accord est le reflet de ce que veut Bakou pour son pays et la préservation de tous ses « biens culturels »[1] en coopération avec les institutions internationales au Karabakh. Depuis la signature du cessez-le-feu du 10 novembre 2020, l’Azerbaïdjan a récupéré une large partie du Karabakh qu’occupait l’Arménie depuis 27 ans. Pendant ce laps de temps, beaucoup d’églises arméniennes ont été construites et de nombreuses mosquées ont hélas été endommagées ou rasées. Dans les sept districts occupés par les Arméniens, Bakou a recensé à ce jour 63 mosquées détruites. Beaucoup s’interrogent sur ce qu’il va se passer pour ces lieux. Il est temps d’en évaluer les dégâts.
En effet, il y a depuis la fin du conflit beaucoup d’inquiétude sur le fait que Bakou pourrait profiter de la situation pour porter atteinte aux édifices chrétiens arméniens. Il n’en est rien et le pays n’aurait d’ailleurs strictement aucun intérêt à cela. Cela irait même à contre-courant d’une longue tradition de dialogue avec le Christianisme. Mais qui évoque les biens azerbaïdjanais détruits ? Au-delà de ce nouvel accord avec le Vatican, l’idée de l’organisation d’une mission de l’UNESCO afin d'évaluer l'état des dommages causés aux édifices, mosquées et biens culturels azerbaïdjanais sur le territoire libéré a fait son chemin depuis novembre et devrait prochainement voir le jour. Il y a maintenant un travail à faire sur les paramètres techniques de cette mission.
Mais car il y a un mais, les différents protagonistes, avec une certaine indifférence de la communauté internationale, ne s’entendent pas encore tout à fait sur la notion fondamentale de « biens culturels » au Karabakh, qui ne peut pas concerner que les Églises. Or, l’UNESCO fait une fixation partisane là-dessus. C’est pour cela que Bakou renforce actuellement ses liens avec l’organisation onusienne et souhaite introduire une demande globale, avec le soutien des différents chefs spirituels de son pays. Il y a aussi au Karabakh des synagogues, des temples zoroastriens, qui sont en danger et il faut les protéger. Cela concerne même aussi des sites archéologiques ou des excavations anciennes et préexistants aux États modernes ici présents.
Car historiquement, l’Azerbaïdjan est une terre multiethnique et multicommunautaire. Terre traversée par les influences perses, arabes, turques, européenne, russe, le pays est un melting-pot tout à fait unique dans la région du Caucase. Aux confins de l’Iran, de la Russie, de la Turquie, de la Géorgie et de l’Arménie, le pays est riche d’une rare diversité humaine sur la route de la Soie et des grands Empires. Le Karabakh ne déroge pas à la règle et regorge de sites héritiers de ces temps passés, comme de temps plus modernes où l’on a construit églises, synagogues et mosquées. Pourquoi Bakou chercherait-elle à mettre en danger tout particulièrement les Églises arméniennes dès lors ?
Si la religion majoritaire est l’islam chiite dans le pays, la présence de Chrétiens et de Juifs n’a jamais été vraiment compromise en Azerbaïdjan. Les bonnes relations entre Bakou et le Vatican ont toujours été importantes, malgré le différent politique avec l’Arménie, et parce que 4,8% des Azerbaïdjanais sont catholiques. Le conflit entre Bakou et Erevan a plusieurs fois été malheureusement instrumentalisé par une partie des Arméniens pour le réduire à un conflit religieux qui opposerait des Chrétiens d’Orient menacés à des Musulmans sauvages qui n’auraient pour but que de les exterminer. Tout cela, au regard de l’histoire évoquée plus haut de l’Azerbaïdjan, n’a pas beaucoup de sens et aucun fondement. Depuis des mois, les autorités azerbaïdjanaises clament haut et fort que leur but n’est pas d’attenter à l’intégrité de ces lieux sacrés. Au contraire, le projet de faire l'inventaire des dégâts causés aux édifices religieux du Karabakh à l’UNESCO serait non seulement un signe symbolique de détente entre les deux pays longtemps en guerre, mais il finirait de tordre le coup aux tenanciers d’un discours totalement fantasmatique sur l’Azerbaïdjan.
Mais ce serait un moyen de poursuivre les bonnes relations entre Le Vatican et Bakou, des relations diplomatiques qui ont été ouvertes le 23 mai 1992. Plusieurs accords ont été signés depuis dont l’accord sur le statut juridique de l’Eglise catholique en Azerbaïdjan en 2011, stipulant que : « La République d’Azerbaïdjan, qui reconnaît la liberté religieuse sur la base de sa Constitution, garantit la liberté de professer et de pratiquer en public la religion catholique. L’Eglise catholique en République d’Azerbaïdjan a le droit d’organiser elle-même, (…), et de réaliser sa mission dans le cadre de sa compétence religieuse et compte tenu de la législation de la République d’Azerbaïdjan ». Sur de nombreux dossiers, comprenant la pratique et la préservation des sites religieux, les deux pays entretiennent une relation forte : à ce titre, le Vatican a plusieurs fois souligné son appréciation de la tolérance religieuse dans le pays.
Cela devrait permettre de sortir l’Azerbaïdjan de ce cliché trop longtemps véhiculé et entretenu par leurs ennemis. Le Pape Jean-Paul II le rappelait lui-même lors de son voyage en 2002 à Bakou : « Je suis venu dans ce pays très ancien, gardant dans mon cœur l’admiration devant la richesse et la variété de ses cultures. Riche en diversité et en caractéristiques caucasiennes, ce pays a absorbé les trésors de nombreuses cultures, notamment persane et altaï-touranienne. Sur cette terre, et à ce jour il y a de grandes religions : le zoroastrisme a coexisté avec le christianisme de l’Église albanaise (…).D’ailleurs, une église fut construite en plein Bakou à cette occasion qu’a visité le pape défunt. En 2016, c’est au tour du Pape François de se rendre en Azerbaïdjan, pour renouveler le sceau d’amitié qui unit Bakou et le Saint-Siège :« Je souhaite vivement que l’Azerbaïdjan continue sur la route de la collaboration entre les diverses cultures et confessions religieuses. Que toujours plus, l’harmonie et la coexistence pacifique nourrissent la vie sociale et civile du pays dans ses multiples expressions ». N’est-il pas tant d’espérer, au-delà d’un accord de papier, la construction d’une paix durable dans la région qui poursuivre entre tous cet héritage multiculturel unique en son genre ?
[1] Ce sont les biens meubles et immeubles, qui présentent le patrimoine culturel des peuples, tels que les lieux d’histoire, religieux, ou laïques, les sites qui présentent des œuvres d’art, des manuscrits, livres et autres objets archéologiques, selon la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflits armés.