2021-09-28

“ENQUÊTE EXCLUSIVE” LE JOURNALISME DE TOUS LES EXCÈS

Les plus anciens se souviennent sans doute de ces grands magazines d’information, où des reporters intrépides, allaient chercher au bout du monde, et souvent au péril de leur vie, ces images qui construisaient la mémoire du monde.

Les temps ont changé. Les émissions ne sont plus que des traits d’union entre deux annonces publicitaires. La presse ne sert plus qu’à attirer le chaland vers ce que la société veut faire de lui : un consommateur docile.

Le télé-journalisme est au journalisme ce que la télé-réalité est à la réalité.

Que, ou qui veut donc servir Bernard de la Villardière lorsqu’il fabrique les sinistres reportages de son émission “Enquête exclusive” ?

Le Caucase a eu, ce mois-ci, deux fois de suite les honneurs de ce show : « Bakou, le nouveau Dubaï du Caucase », et « Arménie, la perle menacée du Caucase ». deux fois 70 mn sur une région clé d’un nouveau monde qui se dessine, traitée à la manière de “Tintin au pays de l’or noir”

Déjà la description de chacun des reportages annonce la couleur.

 

Sur l’Arménie :

« Nichée au cœur du Caucase, l’Arménie est un petit pays montagneux aux paysages grandioses. Des milliers d’églises, dont certains millénaires, parsèment son territoire. Premier État chrétien de l’histoire de l’humanité, l’Arménie est aujourd’hui enclavée entre trois nations musulmanes, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Turquie, qui refusent toujours de reconnaître le génocide de 1915.

En novembre 2020, attaqué par l’Azerbaïdjan, le pays a subi une lourde défaite dans le Haut-Karabagh. Depuis, aux abords de la nouvelle frontière, les Arméniens craignent les incursions ennemies. Dans le village de Kornidzor, les habitants se relaient nuit et jour pour monter la garde. Ces paysans se sont constitués en milice et ont désormais troqué la fourche pour la kalachnikov afin de sauver leurs vies et ce qu’il reste de leurs terres.

Après la guerre, des dizaines de milliers de familles ont dû fuir leurs villages à la hâte. Certaines sont hébergées au Golden Palace, un palace 5 étoiles situé dans une station de ski huppée. Susana, son mari et leurs enfants ont investi la chambre 221. Dans le mini-bar, plus de mignonette de cognac ou de vodka mais du saindoux et quelques légumes. Pour subsister, Susanna a appris la couture et confectionne des doudounes pour les riches skieurs de la station. La guerre du Haut-Karabagh a fait plus de 4 500 morts côté arménien et 15 000 blessés. À 19 ans, Tigran est un miraculé. Victime d’une attaque de drone, il a échappé de peu à la mort. Après six mois de rééducation à l’hôpital d’Erevan, la capitale arménienne, le jeune homme retrouve enfin ses proches. Dans son village, une fête traditionnelle est organisée pour l’accueillir.

Pour rendre hommage aux soldats blessés, Iveta, star de la pop arménienne et ex-finaliste de l’Eurovision, prépare un grand show à l’opéra. Elle interprètera sa nouvelle chanson consacrée au conflit. Plongée en Arménie, ilot de chrétienté dans une région du monde à forte majorité musulmane » 

Sur l’Azerbaïdjan :

« Capitale de l’Azerbaïdjan, ancienne république soviétique aux portes de l’Europe, Bakou est la ville de tous les excès. Avec ses gratte-ciels de verre, ses hôtels 5 étoiles, ses boutiques de luxes et ses chantiers titanesques, on la surnomme la « Dubaï du Caucase ». Ici, l’argent du pétrole coule à flot, même au cœur de la ville. Et les habitants se baignent dedans pour soigner certaines maladies.

Après avoir accueilli l’Eurovision et de nombreuses épreuves sportives, Bakou est l’une des étapes reines du Grand Prix de F1. Une ville riche, clinquante et surprenante, totalement fermée aux touristes jusqu’au début des années 90, aujourd’hui grande fierté de Ilham Aliyev, président de l’Azerbaïdjan.

Ayant succédé à son père en 2003 à la tête de ce pays qu’il dirige depuis d’une main de fer, Ilham Aliyev a fait nommer sa femme, la très glamour Mehriban Aliyeva, vice-présidente du pays. Indépendant depuis 30 ans, ce petit état à cheval entre l’Europe et l’Asie a récemment été mis en lumière lors de la guerre contre l’Arménie dans le Haut-Karabakh, une région située à l’ouest de Bakou.

Après des mois de négociation, nos équipes ont obtenu l’autorisation exceptionnelle de filmer dans ce pays désormais ouvert, mais où tout est sous contrôle. Impossible de faire un pas sans être accompagné par un représentant du pouvoir. Nous avons pourtant réussi à filmer, en coulisses, la vie quotidienne en Azerbaïdjan. Ici, 90% de la population (10 millions d’habitants) est musulmane, mais le pays reste laïc et les femmes, comme Nigar Jamal, plantureuse chanteuse qui a remporté l’eurovision en 2011, vivent à l’occidental, n’hésitant pas à se promener en petite tenue et à afficher leur réussite.

Mais derrière les pétro-dollars et les façades ultra bling-bling, il y a un monde caché. A la sortie de Bakou, la capitale, des clôtures servent de cache-misère aux toits en tôle des bidonvilles qui s’amoncellent. Malgré les revenus pétroliers, beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté. Les grands chantiers d’embellissement ont exproprié des milliers de familles. Et ici, la corruption et le clientélisme sont rois. Quant aux opposants au régime, qui dénoncent un pays à deux vitesses et s’interrogent sur la fortune colossale du couple présidentiel, ils sont obligés de vivre en exil. Enquête sur l’extravagante Bakou, capitale de l’or noir aux portes de l’Europe.». 

La vérité est ailleurs…

Dans le film “Le Schpountz”, Marcel Pagnol fait dire à Charpin, s’adressant à Fernandel “Tu n’es pas bon à rien, tu es mauvais à tout”. Une réplique qui irait tellement bien aux auteurs de ces émissions, plus pamphlétaires que journalistiques.

Sur l’Arménie d’abord. 

A propos du terme « territoire » de l’Arménie. Rappelons que la nouvelle Arménie n’est autre que le résultat des concessions territoriales de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie au début du XX ème siècle. Car la « grande » Arménie imaginée par les pays d’Entente n’a jamais vu le jour. Il s’agit des six vilayets de l’Empire Ottoman appelés vilayets « arméniens ». Sur quel territoire cette nouvelle Arménie avait-elle donc été établie ? Sur les territoires de l’Ancien Khanat Azéri de Iravan et substantiellement sur une partie du Khanat de Karabakh appelé Zangezour, plus exactement le Zangezour de l’Ouest, dont la population Azerbaïdjanaise a été exterminée par les dashnaks arméniens. Ce que Bernard de Villardière a, sans doute par oubli, omis de préciser ! 

Ensuite, l’Arménie n’est pas enclavée entre trois nations musulmanes, puisqu’elle possède une frontière avec la Géorgie qui n’est pas une nation musulmane, mais de tradition chrétienne. Elle a pourtant apporté du soutien à l’Azerbaïdjan lors de la guerre de 2020 ! Inversement, le gouvernement d’un de pays « musulmans » décrit comme « encerclant » l’Arménie « menacée », à savoir de l’Iran, a tenté de soutenir les Arméniens lors de la guerre de 2020 jusqu’à ce que des troubles à l’intérieur du pays, notamment dans sa partie azerbaïdjanaise, ne mettent un terme à ces projets ! Il est naturellement plus simple, pour un journaliste superficiel, de présenter le conflit du Haut Karabagh comme un conflit religieux et civilisationnel dont l’Arménie serait la « seule » victime. Qu’importe la réalité…

https://musulmansenfrance.fr/enquete-exclusive/

 

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