L’Azerbaïdjan est le meilleur allié de l’Ukraine dans le Caucase-sud, contrairement à l’Arménie
Dans le Caucase, l’Ukraine peut compter sur son allié Azerbaïdjan, contrairement à l’Arménie, défenseuse des intérêts russes et des annexions successives de territoires depuis 2014 par Moscou. Dans cette situation, comment l’UE peut-elle se positionner, entre violation de l’intégrité du territoire arménien par les Azéris, et soutien coûte que coûte aux Ukrainiens ?
Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, enseignant en relations internationales, collaborateur, chercheur en relations euro-arabes/terrorisme et radicalisation, associé au CECID (Université Libre de Bruxelles), à l’UQAM (OMAN- Université de Montréal) et pour SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism).
Dans la zone d’influence russe, l’Azerbaïdjan a été parmi les premiers pays du Caucase à avoir promis de l’aide à l’Ukraine et à avoir contribué au soutien occidental.
En réalité, il y a une amitié forte entre les deux pays, mais surtout des accords de coopération et de solidarité face à un ennemi commun.
Jusque-là le meilleur partenaire de Kiev était Tbilissi, mais la Georgie a perdu du galon depuis le 24 février au profit de Bakou qui a été largement plus proactif. D’ailleurs, trois jours après le début de la guerre, des centaines d’Azerbaïdjanais manifestaient devant l’ambassade d’Ukraine à Bakou en soutien.
De plus, la guerre a confirmé la bonne santé des relations aussi économiques de Kiev avec Bakou, qui s’élevaient en janvier dernier à plus d’un milliard de dollars. Objectif non dissimulé depuis plusieurs années en dehors du cadre du conflit pour 2024 : les doubler, si le pays sort de la guerre, évidemment.
En février dernier, il faut rappeler que lors d’une conférence de presse tenue entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, les deux dirigeants avaient annoncé le renforcement de leurs accords de coopération. Notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’énergie.
À cette occasion, Volodymyr Zelensky en avait profité pour renouveler son soutien au partenariat stratégique entre les deux pays, qui garantissait protection et assistance mutuelle en cas d’agression extérieure ou d’atteinte à l’intégrité territoriale d’une des deux parties.
Ce dernier ne pensait sûrement pas avoir à y faire appel aussi rapidement puisque quelques semaines plus tard, l’Ukraine était envahi. Logiquement, et conformément à ces accords, Bakou a répondu rapidement présent.
Dès le 26 février dernier, Zelensky avait tweeté en remerciant l’Azerbaïdjan d’avoir donné la consigne aux stations d’essence SOCAR (azerbaïdjanaises) présentes sur le sol ukrainien de fournir gratuitement les ambulances du pays en carburant.
Plus encore, des médicaments avaient été acheminés par avion depuis Bakou vers Kiev. Enfin, le 27 février finalement, les premiers avions militaires azerbaïdjanais atterrissaient dans la capitale ukrainienne pour apporter aussi du matériel médical pour soigner les blessés.
Sous influence et emprise soviétique pendant des décennies, l’Azerbaïdjan a toujours cherché à garder sa liberté face à Moscou. Il y a probablement de cela dans le soutien de Bakou à Kiev : délivrer un message à l’égard de la Russie et soutenir l’indépendance de tous les anciens satellites de l’ex-URSS.
C’est en soi ce qui pose problème dans la position de l’Arménie depuis le début du conflit. Erevan a toujours voté aux Nations Unies pour soutenir la Russie dans son annexion illégale de la Crimée.
De plus, l’Arménie a été l’un des rares États à voter contre la résolution 68/262 (2014) de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’annexion de la Crimée et le maintien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Par ailleurs, elle a toujours reconnu le séparatisme dans la région ukrainienne du Donbass en soutenant la République populaire de Donetsk contrôlée par le Kremlin et les républiques de Louhansk, désormais russes.
Comme pour la Crimée, l’Arménie apporte un soutien humanitaire et militaire aux deux régions.
Par ailleurs, elle a été le seul pays du Conseil de l’Europe à se joindre à la délégation russe pour voter contre une décision de suspendre la Russie de l’organisation suite à son invasion de l’Ukraine. L’Arménie était la seule de la région à soutenir son allié stratégique en votant contre la suspension de la représentation de la Russie au Conseil de l’Europe.
Ce n’est pas tout : ça a été l’un des trente-cinq États membres de l’ONU à s’être abstenu de voter le 2 février dernier une résolution sanctionnant la Russie pour avoir envahi l’Ukraine et exigeant que Moscou retire ses forces militaires.
Dans le même temps sur place, des rassemblements et des manifestations ont été organisés en Arménie pour soutenir publiquement la Russie après la guerre russo-ukrainienne et ont réuni des centaines de personnes avec des affiches et des inscriptions marquées des fameuses lettres « Z » et « V » qui sont devenues des symboles de la guerre russe en Ukraine.
Des manifestations du même type ont également été organisées avec le soutien du gouvernement arménien dans les territoires azerbaïdjanais temporairement sous contrôle des Casques bleus russes.
Ajoutons que la diaspora arménienne de Russie a continuellement fourni une aide humanitaire aux régimes séparatistes de Donetsk et Louhansk.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’Erevan est membre de l’Union économique eurasienne et de l’Organisation du traité de sécurité collective dirigées par la Russie. Les deux pays ont un accord de partenariat stratégique distinct qui réglemente la présence de la base militaire et des troupes russes en Arménie.
Ces dernières années, la Russie a prolongé son bail sur une base militaire en Arménie, ancienne république soviétique, jusqu’en 2044 !
Et comme si cela ne suffisait pas, l’Arménie a également fait don d’équipements militaires soviétiques à la Russie.