2023-01-26

POURQUOI CE QUI SE PASSE ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE DOIT NOUS CONCERNER ?

Une information biaisée

Depuis des siècles, les relations entre les Arméniens et leurs voisins ont été marquées par d’incessant conflits, attisés par les puissants empires qui se sont disputés la tutelle de la région. Sous l’Union Soviétique, ceux-ci ont pris la forme de combats fratricides, souvent encouragés, eux aussi, par le pouvoir central. S’en sont suivies, à la chute de celui-ci, l’invasion de l’Azerbaïdjan par l’armée d’Erevan en 1993, , une occupation de 30 ans du Karabakh et, en 2020, une courte guerre où l’Azerbaïdjan a libéré la majeure partie de son territoire.

Après cette défaite, les Arméniens, en particulier ceux de la diaspora française, ont tenté de déplacer la guerre sur le terrain des médias, en essayant de persuader le public qu’ils étaient les victimes et non les agresseurs.

En réalité, les problèmes du Caucase, le public français, disons-le simplement, s’en fiche complètement. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, c’est loin, et la quasi-totalité des Français serait bien incapable de désigner ces pays sur une carte.
Cela n’intéresse donc personne en France, sauf les politiciens et les medias qui ont choisi de prendre ouvertement le parti des Arméniens contre les Azerbaïdjanais, en multipliant, pour les uns les déclarations, les résolutions, les visites en Arménie, et pour les autres les articles, les reportages partisans et unilatéraux, et les tables rondes où aucun Azerbaïdjanais n’est jamais invité. Emmanuel Macron vient de recevoir les deux principaux responsables nationalistes arméniens en France, et aucun Azerbaïdjanais. La seule rencontre entre lui et la nouvelle ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, fut la remise protocolaire des lettres de créance. Peu importe d’ailleurs que le grand public s’y intéresse ou non. Il s’agit d’une affaire d’entre-soi.

Et c’est là que la question est intéressante. Car l’argument principal avancé par les partisans de l’Arménie est le « choc des civilisations », selon la formule de Michel Onfray. D’ailleurs, pour le rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson, « sur place, les églises sont remplacées par des mosquées ». Quant à Eric Zemmour, puis Valérie Pécresse, Bruno Retailleau et Valérie Boyer, leur visite en Arménie est, selon eux, le symbole de la « défense des chrétiens d’Orient, face à la menace islamo-turque en Europe ».

Peu importe qu’une partie de la pensée occidentale, en l’occurence la philosophie des Lumières, ait eu pour précurseur un philosophe azéri du XIIème siècle, Nizami Ganjavi. Peu importe que l’Azerbaïdjan soit un pays laïque multiculturel, rassemblant en parfaite harmonie 48 ethnies ou cultures différentes, dont une forte minorité de chrétiens d’Orient. Qu’importe si les Azerbaïdjanais n’ont transformé aucune église en mosquée, alors que les Arméniens ont, pendant leur occupation, détruit 66 mosquées ainsi que l’église orthodoxe russe de Karabakh.

Un soutien à l’Arménie qui masque une politique islamophobe

En réalité, si ce conflit nous intéresse c’est parce qu’il est instrumentalisé par cette classe politique qui se droitise dangereusement, et laisse la porte grande ouverte aux suprémacistes, adeptes de la délirante théorie du « grand remplacement ».
Pour eux, il s’agit moins de défendre l’Arménie que de tenter de rassembler les Français autour d’un ennemi commun imaginaire : une supposée internationale des musulmans qui voudraient s’en prendre à la « civilisation occidentale chrétienne », voire à la faire disparaître.

Après les déclarations du ministre de l’intérieur sur un prétendu « séparatisme » des musulmans français, il s’agit de chercher à l’international la preuve que les musulmans sont dangereux pour l’Occident. Une idée qui a d’ailleurs justifié le refus de l’adhésion de la Turquie à l’Europe.

Alors, pourquoi s’en prendre à l’Azerbaïdjan ? Pas seulement parce la majorité de la population est de confession musulmane – un islam d’ailleurs très libéral – mais aussi parce que ce pays est la preuve vivante que la laïcité et l’expression de la foi sont totalement compatibles, que le multi-culturalisme est non seulement viable mais enrichissant. L’Azerbaïdjan est un modèle de laïcité inclusive. Un exemple naturellement dangereux aux yeux des nouveaux « laïcistes ». Car, pour que la droite existe, pour que le veau d’or continue d’être adoré, les valeurs portées par l’islam doivent rester ignorées. L’islam doit continuer à faire peur.

« Le rire tue la peur, et sans la peur il n’est pas de foi. Car sans la peur du diable, il n’y a plus besoin de Dieu. » dit l’abbé Jorge dans « Le nom de la Rose » d’Umberto Ecco.

Ce modèle du vivre ensemble, tel qu’il est vécu en Azerbaïdjan, c’est celui qu’appellent de leurs voeux tous les musulmans, mais aussi tous les humanistes. Et c’est précisément pour cela que nous ne pouvons ignorer les mensonges, les fausses nouvelles, les travestissements de l’histoire auxquels les pourfendeurs de l’Azerbaïdjan tentent de nous faire croire. Voilà pourquoi on n’a jamais autant soutenu l’Arménie dans les médias et dans les discours politiques. Voilà pourquoi on n’invite jamais un historien azerbaïdjanais dans les débats sur le passé de la région. Voilà pourquoi les journaux, monopolisés par un petit cercle de capitalistes identitaires, n’envoient jamais de journalistes constater à Aghdam, Fuzuli, Choucha ou Ganja, les traces du vandalisme arménien, et préfèrent reproduire à l’envi le récit fictionnel de l’identité arménienne.

Une islamophobie qui jette son ombre sur les Lumières

Il ne s’agit d’ailleurs nullement de s’en prendre aux Arméniens en tant que tel. Chacun raconte sa propre histoire, et est libre de le faire. Et les Arméniens du Caucase sont aussi les victimes de cette instrumentalisation politique, qui freine leur propre développement, et les place sous la dépendance de la diaspora, beaucoup plus nombreuse que les habitants de l’Arménie elle-même.

Mais nous ne pouvons rester silencieux face aux diffamations dont l’Azerbaïdjan fait l’objet, car ce sont les mêmes que subissent aujourd’hui les musulmans de notre pays, et pour le mêmes raisons.

Soutenir l’Azerbaïdjan, ce n’est pas participer à un soi-disant combat de civilisation, c’est au contraire se battre pour que l’esprit des Lumières, tel qui a été construit par Nizami au XIIème siècle, et par Rousseau, Voltaire et Montesquieu à partir du XVIIe siècle ne reste pas emprisonné entre les couvertures des livres, ni instrumentalisé par quelques extrémistes en mal de référence, mais soit, tout simplement, un viatique pour que le vivre ensemble et l’enrichissement mutuel redeviennent une réalité dans notre pays, aujourd’hui menacé par le racisme et l’intolérance.

https://musulmansenfrance.fr/pourquoi-ce-qui-se-passe-entre-lazerbaidjan-et-larmenie-doit-nous-concerner/

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