2016-05-10

A la découverte de l’Azerbaïdjan (Société de Géographie) Texte de la conférence de S.E. Elchin Amirbayov, Ambassadeur de la République d’Azerbaïdjan en France, donnée lors du déjeuner-débat organisé par la Société de Géographie, au Sénat, le 18 mars 2016

Texte de la conférence de S.E. Elchin Amirbayov, Ambassadeur de la République d’Azerbaïdjan en France, donnée lors du déjeuner-débat organisé par la Société de Géographie, au Sénat, le 18 mars 2016.

Monsieur le Secrétaire-Général de la Société de Géographie,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Madame la directrice du Bureau de Paris de TEAS,
Mesdames et Messieurs,

Tout d’abord je tiens à remercier Monsieur Jacques Gonzales, Secrétaire-Général de la Société de Géographie et Madame Marie-Laetitia Gourdin, directrice du Bureau de Paris de TEAS d’avoir organisé ce déjeuner-débat. En tant qu’Ambassadeur d’Azerbaïdjan, je salue vivement toutes les initiatives visant à présenter à la société française un pays qui attire beaucoup d’intérêts à cause de son contexte géopolitique extrêmement complexe.

Pour situer l’Azerbaïdjan dans le contexte géographique, il se trouve dans le sud du Caucase sur les rivages de la mer Caspienne. Il est bordé par la Russie au nord, la Géorgie à l’ouest, l’Arménie et la Turquie au sud-ouest et l’Iran au sud. C’est l’un de ces pays qui est divisé en deux parties suite aux changements majeurs de la configuration géopolitique et d’équilibre de pouvoir des grandes puissances régionales. Au début du XIXème siècle, qui est marqué par la montée de rivalité russo-persane, les deux guerres successives (1803- 1813 et 1826-1828) ont entrainé l’annexion des territoires du nord dans l’Empire russe et des territoires du sud dans l’Empire perse au moment de la signature des traités de Gulistan en 1813 et de Turkmenchaï en 1828

Aujourd’hui, avec plus de 9 millions d’habitants et un territoire de 86 600 km2 c’est le plus grand pays dans le Caucase du sud pour sa démographie et sa superficie. Depuis des temps reculés, l’Azerbaïdjan a été un berceau de la civilisation humaine dont nous témoigne pertinemment une cité archéologique de l’homme paléolithique azikhantrope (vers 400.000 av. J.-C.), localisée à l’ouest du pays dans la région du Haut-Karabakh.

En plongeant dans les siècles passés, on constate que cette terre fut l’un des plus anciens foyers d’implantation et de succession des religions aussi bien polythéiste (Zoroastrisme) que monothéiste (Judaïsme, Christianisme et Islam). De cette histoire millénaire, elle a su se forger une identité forte, s’enrichissant des cultures variées qui s’y sont entremêlées.

En effet, l’Azerbaïdjan est un carrefour des civilisations, un point sur l’ancienne Route de la Soie, un « pont naturel » entre Nord-Sud et Est-Ouest. Par ailleurs, des grands voyageurs, des écrivains occidentaux (Marco Polo, Alexandre Dumas-père et d’autres…) ont beaucoup parlé de l’Azerbaïdjan dans leurs récits de voyages.

C’est un pays qui a développé depuis des siècles des traditions étatiques. C’est un pays qui s’est tourné vers les valeurs républicaines il y a près de cent ans. En effet, la proclamation de la République Démocratique d’Azerbaïdjan, en 1918, marque le début de l’acceptation juridique de certaines valeurs européennes en Orient, comme la création du Parlement National, la garantie des droits et libertés individuels et l’octroi aux femmes du droit de vote en 1918 etc. La République Démocratique d’Azerbaïdjan de 1918-1920 constitue la première tentative réussie d’établir un régime laïque et démocratique dans le monde musulman. Cette République n’a duré que 23 mois. Le 28 avril 1920 l’Armée rouge des bolcheviks a occupé l’Azerbaïdjan et en 1922 le pays a été intégré à l’URSS. En 1991, suite à la chute de l’Union Soviétique, l’Azerbaïdjan a retrouvé son indépendance. Les premières années de l’indépendance sont marquées par un certain nombre de problèmes politique et socio-économique. Le pays faisait face à la chute du niveau de vie de la population, à la crise économique avec un taux d’inflation très élevé et à la guerre non-déclarée de la part de l’Arménie. Le climat politique était accompagné par une anarchie et la population a subi des vrais chocs d’ordre politique et économique.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement azerbaïdjanais a défini ses objectifs immédiats pour la stabilisation de la vie politique, la restauration et la consolidation des traditions et des institutions démocratiques, la formation d’une nouvelle culture démocratique et pour assurer la sécurité du pays face à un conflit imposée par l’Arménie dont les conséquences graves sont encore là plus de 20 ans déjà (je parle ici de l’occupation d’un cinquième de notre territoire, déplacement forcé de plus d’un million d’azerbaïdjanais de leurs terres natales, nettoyage ethnique perpétrée par l’Arménie dans les territoires occupés d’Azerbaïdjan, destruction du patrimoine culturel dans les territoires occupés, etc., la liste est assez longue).

C’est seulement à partir de 1996 que l’Azerbaïdjan a connu une stabilité politique, ce qui a permis de lancer les réformes économiques et politiques importantes. Alors, après avoir vécu pendant 70 ans sous un régime autoritaire, le pays s’est tourné de nouveau vers l’Occident. Héritière de la première République Démocratique de 1918, l’Azerbaïdjan d’aujourd’hui qui est membre du Conseil de l’Europe depuis 2001, de l’OSCE depuis 1992 et partenaire important de l’Union Européenne continue sur ce chemin vers la démocratisation et l’intégration aux valeurs européennes. La dernière décennie d’indépendance a été marquée également par un fort développement économique du pays. L’Azerbaïdjan se distingue par une économie dynamique. Grâce à la stratégie pétrolière et aux réformes effectuées, l’économie de l’Azerbaïdjan a presque triplé de 2004 à 2010 ; le PIB du pays a doublé ces dernières années, totalisant, à elle seule, près de 75% du PIB de tous les pays du Caucase du Sud. La croissance est élevée, de l’ordre de 34,5 % en 2006 et 29,3 % en 2007 selon la Banque mondiale.

Aujourd’hui, le pays constitue un partenaire intéressant, tant au niveau économique que politique et culturel. Il présente d’abord un intérêt économique, du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. Le pays conserve des perspectives significatives avec la mise en exploitation prochaine du gisement de Shah Deniz 2 dans le secteur azerbaïdjanais de la Mer Caspienne. Dans l’hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé, l’Azerbaïdjan se situerait par ailleurs également sur la route de transit du gaz en provenance du Turkménistan. Parallèlement à l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), l’Azerbaïdjan a su réaliser en collaboration avec ses partenaires le projet de gazoduc Baku-Tbilissi-Erzurum, permettant d’assurer l’approvisionnement en matière de gaz naturel des marchés européens. L’Azerbaïdjan utilise également les autres voies pour évacuer ses ressources d’hydrocarbure comme celle de Baku-Soupsa (la route de l’Ouest, via la Géorgie) et les chemins de fer Bakou – Batoum (via la Géorgie). Tous ces projets favorisent le développement de l’infrastructure énergétique régionale commune, mais aussi le développement d’un réseau d’infrastructure routière et de communication, entièrement modernisé, avec les autoroutes, les pipelines, les chemins de fer, les ports. Alors, ses ressources pétrolières font de l’Azerbaïdjan un pays prospère, qui a connu, dans les années 2000, une croissance très rapide.

Mais, il faut souligner que cette forte croissance s’appuie également sur la diversification et la modernisation de l’économie azerbaïdjanaise. Depuis plusieurs années l’Azerbaïdjan cherche à développer le secteur non-énergétique, en particulier de l’infrastructure, des transports, des technologies des communications et de l’information etc… Par ailleurs, l’Azerbaïdjan est le seul pays dans la région qui, en coopération avec la France, a lancé son propre satellite de communications et se veut comme un hub de communication régionale. Le pays a bien traversé la crise de 2008 et affichait toujours une croissance enviable qui restait élevée en 2009 + 9,3 %. En 2014, le FMI a estimé à plus de 8 000 dollars le PIB par habitant, et même près de 18 000 dollars en parité de pouvoir d’achat. Dans le classement 2014-2015 de la « compétitivité globale » du World Economic Forum, l’Azerbaïdjan ressort à la 38ème place sur 144, devançant la Russie (53ème), la Géorgie (69ème) et l’Arménie (85ème). Ce bon rang est principalement obtenu du fait des très bonnes données macroéconomiques présentées (forte croissance, faible inflation, faible dette publique…). En 2015 la croissance économique s’est ralentie étant affectée par la crise mondiale, crise économique russe et la baisse radicale de prix du pétrole, c’est pourquoi le gouvernement a accéléré les réformes visant la diversification de l’économie et surtout le développement du secteur non-énergétique. Nous avons enregistré en 2015 une croissance de 8.4% dans le secteur non-énergétique.

L’Azerbaïdjan constitue également un partenaire politique qui compte. Alors, quel est l’intérêt des relations politiques avec l’Azerbaïdjan ? Je voudrais souligner que cet intérêt est suscité tout d’abord par la diplomatie prudente et équilibrée du pays. De plus en plus, on assiste en effet dans l’ancien espace soviétique à une sorte de bipolarisation entre les différents pays qui en font partie. Certains d’entre eux se trouvent en conflit avec la Russie et cherchent le soutien occidental : c’est le cas de l’Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie. D’autres ont accepté d’entrer dans l’Union eurasiatique avec la Russie : comme le Belarus, le Kazakhstan, et l’Arménie. Dans ce contexte, l’Azerbaïdjan a adopté une position originale et indépendante. Le pays est effectivement parvenu à maintenir, jusqu’à présent, de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu’avec l’Occident, en affirmant sa volonté d’indépendance. Il n’est candidat ni à une entrée dans l’OTAN, ni à une entrée dans l’Union européenne, ni à une entrée dans l’Union eurasiatique. Après avoir signé en 1996 un Accord de partenariat et de modernisation, l’Azerbaïdjan a pris place dans la «politique de voisinage» de l’Union européenne. L’Azerbaïdjan est par ailleurs membre du Partenariat pour la paix de l’OTAN et bénéficie à ce titre d’un plan d’action individuel de partenariat. Pour montrer sa bonne volonté, le pays a pris part à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) avec un détachement et diverses formes de soutien (formation des forces de sécurité et des diplomates afghans, opérations de déminage, autorisations de survol et de transit par l’Azerbaïdjan pour les pays de l’OTAN…). C’est le seul pays dans la région qui est élu membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU où il a siégé dans les années 2012-2013.

Enfin, l’Azerbaïdjan est très attaché au caractère laïc de l’État et à la tolérance religieuse. Depuis plusieurs années l’Azerbaïdjan est devenu une plateforme naturelle pour le dialogue interculturel et interreligieux. En effet, notre pays, longtemps zone de refuge pour différentes religions, est à 90% musulman (65 % chiite et 35 % sunnite) ; le judaïsme présent depuis le 1° millénaire avant JC autour de trois communautés distinctes, environ 20 000 personnes, n’a jamais été persécuté et le christianisme (5% de la population) va des Orthodoxes russes, aux Protestants et aux Catholiques romains. L’Azerbaïdjan ne peut donc être qu’une République laïque, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Notre pays est aujourd’hui le seul pays à majorité chiite qui s’affiche laïque et qui a développé des fortes traditions de tolérance religieuse. Par ailleurs, l’Azerbaïdjan accueille depuis plusieurs années des grands événements internationaux comme par exemple le Forum Mondial du Dialogue Interculturel et Interreligieux, le Forum Mondial Humanitaire, ou encore des grands événements culturel et sportif comme les Premiers Jeux Européens. Cette année le 7èmeForum Mondial de l’Alliance des Civilisations des Nations-Unies se tiendra également à Bakou en présence du Secrétaire Général de l’ONU et plusieurs chefs d’Etat et gouvernements au mois d’avril et nous accueillerons également le Grand Prix de Formule 1 2016 en juin prochain. Bref, un Etat leader du Sud du Caucase, l’Azerbaïdjan est un pays stable qui conduit une diplomatie indépendante, prudente et équilibrée, en conservant de bonnes relations avec la Russie comme avec l’Occident.

Par ailleurs, les relations franco-azerbaïdjanaises sont excellentes au plus haut niveau. Uniquement au cours des derniers 5 ans les deux Présidents français se sont rendus trois fois en Azerbaïdjan. Ces relations de haut niveau ne sont pas seulement justifiées par les enjeux économiques ou géostratégiques. Elles sont également liées, en effet, au rôle joué par la France dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l’Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l’Arménie. Je ne voudrais pas insister longuement sur le sujet du conflit du Haut-Karabakh, mais je voudrais rappeler que, suite aux revendications territoriales de l’Arménie une grande partie du territoire de l’Azerbaïdjan – à peu près 20 % –, allant bien au-delà du Haut-Karabakh est occupée aujourd’hui par les forces arméniennes. Cette occupation a été condamnée par l’ONU comme par le Conseil de l’Europe, car elle est en violation flagrante du droit international. En effet, en 1993, le Conseil de sécurité a successivement adopté à ce sujet quatre résolutions très claires. Ces résolutions exigent un retrait immédiat, unilatéral et sans conditions des forces arméniennes des divers territoires occupés en Azerbaïdjan, ces forces étant qualifiées de « forces d’occupation ». En 2005, de même, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution 1416, où elle « rappelle que l’occupation d’un territoire étranger par un État membre constitue une grave violation des obligations qui incombent à cet État en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe, et réaffirme le droit des personnes déplacées de la zone du conflit de retourner dans leur foyer dans la sécurité et la dignité ». Ce conflit a en effet eu pour conséquence un nombre important de réfugiés et de déplacés internes azerbaïdjanais, on parle d’un million d’azerbaïdjanais, soit 11 % de la population.

La France copréside avec la Russie et les États-Unis le groupe de Minsk, lequel n’a pas encore réussi à régler le conflit. Mais dans ce dossier, l’Azerbaïdjan apprécie les efforts de la France. Ces efforts notamment ont été à l’origine de la rencontre organisée par le Président Hollande à Paris, au mois d’octobre 2014 entre les Présidents azerbaïdjanais et arménien. La France copréside avec la Russie et les États-Unis le groupe de Minsk, lequel n’a pas encore réussi à régler le conflit. Mais dans ce dossier, l’Azerbaïdjan apprécie les efforts de la France. Ces efforts notamment ont été à l’origine de la rencontre organisée par le Président Hollande à Paris, au mois d’octobre 2014 entre les Présidents azerbaïdjanais et arménien.

L’Azerbaïdjan de son côté accorde aussi une importance majeure au développement de ses rapports multiples avec la France. Les deux pays ont mis en place un dialogue politique au plus haut niveau et ce dialogue a permis aussi de développer nos relations dans tous les domaines. Par ailleurs, la coopération dans le domaine culturel et de l’éducation et de la recherche sont des priorités dans nos relations bilatérales avec la France. L’inauguration en 2012 du Service Culturel de l’Ambassade, la création du Lycée français de Bakou, la signature d’un accord prévoyant la fondation d’une université franco-azerbaïdjanaise à la fin de cette année à Bakou symbolisent ce remarquable rapprochement culturel entre nos deux pays.

Sur le plan culturel, l’Azerbaïdjan mène une diplomatie culturelle dans divers pays du monde, y compris en France. Ces dernières années, nous avons réalisé de belles avancées dans l’approfondissement de nos rapports culturels. Surtout depuis 2011 toutes les années ont été marquées par l’organisation à Paris et dans diverses régions françaises de différentes manifestations (concerts, expositions, présentation de la gastronomie azerbaïdjanaise ou encore « Village d’Azerbaïdjan » organisé en plein cœur de Paris en 2014 et 2015) destinées à promouvoir notre patrimoine culturel. La contribution de la Fondation Heydar Aliyev a joué un grand rôle dans cette évolution. La Fondation Heydar Aliyev est l’une des plus importantes organisations laïques non gouvernementales d’Azerbaïdjan. L’objet social de la Fondation est la culture, le soutien à différents projets scientifiques, l’éducation et la santé et enfin la valorisation de l’image internationale de l’Azerbaïdjan dans le monde. Depuis quelques années la Fondation Heydar Aliyev mène aussi des actions de mécénat dans divers pays du monde, aussi en France. La liste des projets soutenus par cette Fondation est assez longue, mais je voudrais en citer juste quelques-uns. En 2009, la Fondation a soutenu financièrement la rénovation de cinq merveilleux vitraux de la cathédrale de Strasbourg. Ces vitraux qui datent de 1320-1340, représentent un épisode de la vie de la Vierge Marie et de Jésus-Christ.

La Fondation Heydar Aliyev a fourni une contribution à la restauration d’une vingtaine de petites églises rurales dans la région de Basse-Normandie. Parmi les chefs-d’oeuvre restaurés grâce au soutien de la Fondation on peut citer aussi les sculptures situées dans le parc du Château de Versailles – «L’Amazone» et «Un vase avec des anses en forme de têtes de Faon » – inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, culturel depuis 1979. L’Azerbaïdjan a contribué pour 1 million d’euros, à la création du nouveau département de « L’Art Islamique » au Musée du Louvre inauguré officiellement le 18 septembre 2012. Avec ces activités l’Azerbaïdjan cherche à transmettre à travers le monde un message d’une grande importance surtout à un moment où on observe la montée des conflits et de la haine: un message de paix et de cohabitation et de respect des autres.

 

Je vous remercie de votre attention !

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